Portrait

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Anne-Cécile Violin

Fondatrice de Tomorrow begins now !

Biographie

Diplômée de Sciences po, j’ai commencé ma vie professionnelle au ministère de la Défense. J’y ai d’abord été experte des questions de maîtrise des armements : prolifération, non prolifération nucléaire, et trafics d’armes ont ainsi été mes premiers sujets d’analyses. La négociation d’un nouveau traité relatif à la régulation du commerce des armes m’a ensuite conduite vers les arcanes des Nations-Unies. J’y ai appris la real politik, la diplomatie et les éléments de langage.

Forte de cette expérience, j’ai choisi de me réorienter vers des questions plus transverses. Et c’est grâce à une formation que j’ai découvert la prospective. Ce fût une véritable révélation tant humaine qu’intellectuelle. Changement de poste, je développe alors ma pratique de la prospective. Toujours en lien avec le champ de la défense, je m’intéresse à des dossiers d’avenir comme le lien changement climatique-sécurité ou encore les terres rares. Je co-pilote aussi la refonte d’un important exercice de prospective géostratégique.

Cet exercice est assez important car il fixe le cadre des travaux capacitaires de défense à un horizon de 25 ans. Je travaillais alors plus particulièrement sur les enjeux géopolitiques, et les nouveaux rapports de puissance, les questions environnementales (raréfaction des ressources, transition énergétique, enjeux agricoles) et les enjeux sociétaux (consulter le rapport Horizons stratégiques).

Après sept années passées au Ministère, où j’ai appris la rigueur intellectuelle, tant dans l’exigence analytique que d’écriture, je décide de changer de cap en 2011. Un an après, je suis officiellement consultante indépendante en prospective stratégique. Le conseil est un nouveau métier dans lequel j’apprends à chaque fois davantage, à l’image d’un artisan. Mes clients sont variés, et ces enjeux divers m’enrichissent et nourrissent ma curiosité naturelle (Consulter mon CV).

Interview

Pourquoi faites-vous de la prospective ?

Parce que la prospective est une science humaine, et que dans science humaine, il y a humain ! Je suis sincèrement fascinée par la pâte humaine, tant dans ses grandeurs que dans ses chutes, dans ce qu’elle a de beau et de laid. Je suis fascinée par ce que l’homme décide de laisser comme empreinte de son passage sur terre. Dans ce sens, il y a en fil rouge une interrogation quant au sens de la destinée de l’homme. Y a-t-il un sens ou sommes-nous dans l’absurde ? Or, la prospective postule que la fatalité n’existe pas. L’homme est libre et co-créateur face à son avenir. Il ne le subit pas mais peut le construire. C’est d’ailleurs ce que Gaston Berger, l’un des pères de la prospective exprimait « l’avenir n’est pas tant à prévoir qu’à inventer ». Et personnellement, j’y crois profondément. C’est aussi pour cela que suis autant passionnée par la prospective : elle ouvre le champ des possibles.

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« La vieillesse, c’est le rétrécissement du champ des possibles. »  Gaston BERGER

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Mon rôle est d’accompagner mes clients dans cette dynamique d’évolution, en comprenant leurs contraintes et en leur apportant un regard extérieur et une méthodologie sur ces possibles. Néanmoins, je ne peux réaliser ce travail sans eux : ils sont au coeur de la démarche. Car ils maîtrisent les finesses de leur domaine ou structure. Je suis donc dans une interaction permanente, ce qui est très enrichissant humainement. Enfin, la prospective porte également une dynamique de transformation. Par exemple, les faiblesses d’aujourd’hui peuvent demain se transformer en forces. On a le pouvoir de faire bouger la donne. J’essaie de transmettre cette idée à mes client(e)s, même si parfois cela peut heurter ou faire peur !

Pourquoi cela peut-il heurter ou faire peur ?

Lorsque l’on demande à quelqu’un, individu ou groupe, une entreprise du CAC 40 ou une administration locale, qui que ce soit, de se projeter dans son avenir, cela peut provoquer l’effet suivant. D’une part, cela peut faire peur ou raviver des peurs enfouies, et, d’autre part, cela renvoie à un système de valeurs unique. Qu’il soit dit ou pas, assumé ou pas. On touche à l’inconscient parfois. Et je dois l’intégrer dans mon travail, sinon, je suis hors sujet.

Oui, mais cette approche est très individualisée ou personnalisée ? Cette conduite ou accompagnement du changement, ce n’est pas du coaching ou une thérapie ?

En effet, je ne coache pas mes clients ! Mais il y a deux éléments de réponse. D’abord, je pense qu’un bon consultant est avant tout un accompagnateur, sur une période donnée dans le temps, ce qu’est aussi un coach. Du moins, c’est mon approche du métier. D’autre part, je ne suis pas un docteur savant qui va imposer des recettes miracle ou une étude déconnectée des réalités. La prospective n’est pas un simple exercice de divertissement intellectuel comme je l’ai déjà entendu. C’est un travail exigeant, sérieux dans lequel les clients ont leur part de responsabilité. C’est une co-création. La prospective est une maïeutique : j’aide mes clients à faire émerger les futurs possibles, désirés ou indésirables de leur champ d’activité. Je les aide ensuite à identifier les meilleurs leviers d’action pour parvenir au futur identifié comme idéal. En outre, les clients, les équipes, portent souvent en eux-mêmes les solutions ! Mais je ne fais qu’accompagner. Je propose, ils disposent. Si, par exemple, dans un secteur public donné, il apparaît, après une première analyse, que les finances vont diminuer, mais que les missions vont augmenter, il va y avoir problème ! Je suis là pour pointer du doigt ce qui fait mal et que l’on souhaite ne pas voir ou bien encore les imprévus ou ruptures possibles. A l’inverse, ma mission consiste aussi à révéler des opportunités qui ne sont pas, au moment de la mission, perçues comme telles.

La prospective est-elle scientifique ?

Je dirais que la prospective implique une démarche intellectuelle solide, qui s’appuie souvent sur des données scientifiques. Je pense par exemple aux données démographiques qui sont très éclairantes. Mais la prospective n’est ni de la divination, ni de la prévision. Elle offre une vision des futurs possibles d’un secteur d’activités, et idéalement débouche sur des recommandations stratégiques qu’il reste au client à mettre en oeuvre, éventuellement avec un accompagnement de plus long terme de ma part.

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Votre prospective est-elle différente d’une autre ?! Vous réclamez-vous d’une école de prospective ?

Non, je n’appartiens à aucune chapelle, ou à aucune école, je suis indépendante jusqu’au bout des ongles. En revanche, j’ai été formée à l’école française de prospective, dans la lignée de Gaston Berger, et cela est mon socle de base. Ce qui est vrai, c’est qu’avec le temps et la pratique, j’adapte ces bases ou outils pour peaufiner ma propre recette, en adaptant les ingrédients aux besoins du client et à mes propres forces. Par exemple, les outils peuvent enfermer quand ils deviennent une fin en soi ou dogmatiques. Je pense par exemple à certaines méthodes de scénarisation qui sont pertinentes mais assez peu adaptées de mon point de vue aux conditions d’une mission courte. Il faut donc adapter à chaque mission. Et je veille à garder cette souplesse. En outre, si je devais me distinguer par rapport à d’autres consultants du domaine, c’est peut-être par ma propre vision holistique ou intégrale du monde (voir mes mots clés).

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« Il est impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que connaître le tout sans connaître les parties »  PASCAL

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Je ne crois pas que l’on puisse faire sérieusement ce métier si exigeant en étant dans un mode binaire : analyse et rationnel ou créativité ludique. Je crois, au contraire, que le cerveau humain a deux hémisphères cérébrales, et qu’il convient de faire fonctionner les deux à la fois. Par exemple, je crois profondément que pour proposer des futurs possibles qui sont adaptés à un client, il faut intégrer son système de valeurs et de représentations. Cela signifie, si l’on est jusqu’au boutiste d’intégrer le caché, le non-dit, l’inconscient, les rêves, les peurs des clients. Cela n’exige pas une psychanalyse de sept ans, mais une prise en compte. Or, ces enjeux relèvent, symboliquement, du « cerveau droit », siège des émotions et de la créativité. Concrètement, cela peut se passer selon le phasage suivant. En premier temps, je propose un diagnostic solide de tendances d’un secteur d’activités, ce qui est très « cerveau gauche ». Ensuite, je vais présenter et tester ces analyses auprès de mon client. Enfin, pour élaborer des scénarios ou certaines recommandations stratégiques, nous travaillerons ensemble de manière plus créative. Nous essayons donc de faire travailler les deux cerveaux, tant chez moi que chez mon client et le résultat final me semble plus riche.

Mais cela est impossible ?

Non, pas du tout. J’ai une croyance fondamentale qui est celle-ci : il faut arrêter de penser de manière manichéenne ou binaire : et/ou, pour/contre : on peut à la fois être logique et créatif. Un travail peut être purement analytique et rigoureux et intuitif. Et il est possible d’analyser des sujets sérieux et graves sans se prendre au sérieux et être grave. Bref, le cerveau gauche n’est pas exclusif du cerveau droit, au contraire, ils se complètent et nourrissent. Par exemple, l’an passé, j’ai fait travailler des militaires du Service Militaire Adapté (Ministère de l’Outre Mer) sur des scénarios aussi sérieux que possible. C’était un pari de faire travailler un général d’armée sur des images à découper ! Et pourtant, j’ai choisi ce mode créatif et ludique pour co-créer des scénarios relatifs aux enjeux de l’insertion en outre-mer, ce qui n’a rien de léger. Et ça a très bien marché, tout le monde était ravi de cette journée qui fût riche humainement et efficace en termes de résultat.

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« Si la prévision fait apparaître le pire, l’espoir, lui va dans le sens de l’improbable et de l’inconnu. La création, avant, est toujours invisible, et il faut parier en cet invisible. »  Edgar MORIN

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Un dernier mot sur les scénarios, justement ?

J’adore les scénarios, c’est mon exercice préféré ! C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’avais d’abord nommé la société What if ? Car on pourrait appeler l’exercice de scénarisation ainsi. Je les conçois presque comme une toile de peinture, mais qui serait un peu interactive. Après avoir présenté la toile de fond de l’action future et tendancielle du client, on peut le faire réagir à travers différents outils. C’est un exercice à la fois rigoureux et créatif. J’aime bien travailler sur un mode collaboratif et transverse pour cette étape. Car c’est de la diversité que naît la richesse. Je fais alors intervenir d’autres profils intellectuels que le mien et qui sont des spécialistes du domaine concerné. Cela permet de voir la réalité sous un autre point de vue. Comme à travers un kaléidoscope. Par exemple, on peut choisir d’inverser les rôles : vous êtes un concurrent, je suis votre entreprise. Cela permet de sortir de son cadre mental qui influence la vision des choses. Et je fais intervenir directement mon client. C’est une immersion très productive, qui permet de lever des barrages et faire émerger des solutions ! Et enfin, cette diversité choisie est aussi la raison pour laquelle je me suis crée un écosystème d’experts variés, pour décloisonner et ouvrir les portes des possibles ! D’ailleurs, je pourrais parler avec le Nous au lieu du Je. J’ai crée la société Tobenow et je la porte, mais je ne travaille que rarement complètement seule. Je suis souvent accompagnée par d’autres profils que le mien car je privilégie un travail collaboratif dans la mesure du possible.

Et avoir recours à des scénarios à long terme alors que l’on est en pleine crise, ce n’est pas un luxe réservé à une riche élite ?

C’est une excellente question. Et je crois précisément l’inverse en fait ! Nous sommes dans une période de crise importante et multiforme : crise économique et financière, crise morale, crise environnementale avec la raréfaction des ressources, une terre épuisée et le changement climatique à l’oeuvre mais tous ces signes sont autant d’alertes que nous sommes en fin de cycle, de modèle. Nous ne pouvons plus ni penser ni agir comme avant ! Ce n’est plus possible. C’est ce que John Rifkin nomme la 3ème révolution industrielle. Or, je pense que le scenario planning ou la prospective est un formidable levier de transformation dans ce monde en mutation. Il y a des solutions, mais elles sont à inventer et co-créer. Il ne manque que de la volonté et de la lucidité.Enfin, j’ajoute que penser à long terme permet de sortir de la vision court-termiste qui sévit dans notre société, que ce soit en politique ou dans d’autres secteurs, et qui ne résout que peu de choses manifestement. Jean Jaurès disait : « Il faut être réaliste dans le court terme et utopiste dans le long terme ». Cela me semble très juste. Penser au-delà de 5 ans permet d’apporter une vision large des possibles. Or, on a besoin de se fixer des objectifs à atteindre à moyen ou long terme. En outre, cette vision fédère les équipes. En second temps, cela permet d’élaborer une stratégie durable à travers un plan stratégique, et non de coller une rustine stratégique à 6 mois, comme je le vois dans certains secteurs, qui exige une autre consultance 6 mois/un an après etc. ! L’entreprise en sort plus forte je pense car elle sait, plus ou moins, où elle veut aller. C’est ce que l’on appelle avoir un cap.

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« Il n’y a pas de vent favorable à celui qui ne sait pas où il va »  SENEQUE

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CV

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Télécharger le CV d’Anne-Cécile Violin